Back in Paris

Me voilà de retour à Paris. Retour aux euros, à ma carte bancaire française, plus besoin d’ajouter mentalement aux prix les 10 % de taxes, rdv chez les médecins pour les enfants sans me demander combien il me restera à payer après l’assurance (des factures d’assurance de cet été m’attendaient d’ailleurs – la dame n’avait jamais rappelé, mais ça ne veut pas dire qu’ils m’avaient oubliée), bref, retour à un monde qui ne me semble pas exotique, la banalité de l’habitude.

J’ai délaissé ce blog ces dernières semaines, la fin du séjour à Chicago était chargée, dire au revoir à nos amis là-bas, préparer les bagages, et profiter le plus possible de la bibliothèque, sans compter quelques vacances. Pourtant j’ai pris goût à la chose, et je suis loin d’avoir épuisé le sujet. Ainsi, la réforme fiscale qui vient d’être signée par Trump aurait eu de quoi remplir des pages et des pages. J’aurais par exemple pu parler des spots publicitairesCapture d_écran 2018-01-10 à 21.38.35 diffusés ces dernières semaines pour soutenir la réforme des impôts des républicains. Sous le slogan « bring the middle class back », un ouvrier licencié explique que ses malheurs viennent de la délocalisation des emplois, et qu’après la réforme des impôts, les sociétés, allégées de leur fardeau fiscal, resteront sur le territoire et lui rendront son travail.  Il y a aussi les contre-spots.

J’aurais aussi pu parler des inquiétudes qu’ont connues les universités quand dans la première version du projet de loi il était question de considérer l’exonération des droits d’inscription des étudiants comme un revenu, et de les en taxer, ce qui serait revenu en gros à diminuer leurs salaires par deux.

J’aurais aussi pu parler du fait que Trump et sa famille vont, selon les calculs du NY Times, gagner 11 millions de dollars grâce à cette réforme.

Mais si j’avais pris le temps de vraiment parler de la réforme fiscale sous un angle sociologique, ce qui m’aurait intéressé est surtout la stratification sociale que cette réforme dessine : au nom de la défense de la « classe moyenne », on s’en prend aux plus pauvres (à travers les coupes à venir dans les budgets sociaux) et aux urbains aisés (qui verront leurs impôts parfois exploser du fait de la mise en place d’un plafond sur la déduction des impôts locaux), présentés comme mondialistes, profiteurs et individualistes (une photo de Chicago, qui comme la plupart des grandes villes, a voté à une écrasante majorité pour Clinton, et qui verra une partie importante de ses habitants payer plus d’impôts après la réforme), mais les très riches sont épargnés, car jugés trop puissants pour qu’on ne leur cède pas, et surtout présentés comme les bienfaiteurs de la classe moyenne oubliée. Bien sûr, les alliances ne sont pas seulement économiques, il y a aussi la religion, la suprématie blanche, le rapport à l’environnement, qui conduit des pans entiers de la population à soutenir Trump et à voter pour les Républicains.

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Ces alliances ne sont pas limitées aux Etats-Unis, et rappellent celles qui liaient paysans et seigneurs contre les hordes urbaines, et interroge bien sûr la gauche, qui ne semble pas capable d’aider la « classe moyenne ». Aux Etats-Unis comme en France les villes les plus riches sont plus progressistes, et les démocrates cherchent comment parler aux ouvriers.

Tout ça pour dire que je continue à observer l’argent pour lui poser des questions sociologiques et politiques : comment s’organise-t-on ? Qu’est-ce qui est jugé juste ? Comment les rapports sociaux sont-ils structurés ? Quelles sont les places de chacun ? Et surtout, dans quelle mesure les transformations de la finance et de sa place croissante se traduisent-elles par des transformations sociales ?

Mais je reprends mon observation depuis Paris, avec un regard qui aura peut-être un tout petit peu changé, et se sera, je l’espère, enrichi.